TANGO DE CONGÉDIEMENT : La danse juridique des dispositions de résiliations exécutoires en Ontario

TANGO DE CONGÉDIEMENT : La danse juridique des dispositions de résiliations exécutoires en Ontario

Par : Myca Beaulieu et Jessica Byles-Nolet

Les clauses de cessation d’emploi qu’on retrouve dans les contrats d’emploi sont souvent au cœur des litiges entre employeurs et employés. Ce fut notamment le cas récemment dans l’affaire Dufault c. La Corporation du Canton d’Ignace. En l’espèce, la Cour supérieure de justice de l’Ontario à Thunder Bay s’est prononcée en ce qui concerne ces fameuses clauses de cessation d’emploi, tout en établissant des facteurs essentiels à tenir compte lors de la rédaction d’un contrat d’emploi.

Karen Dufault, demanderesse en l’espèce, a fait demande pour jugement sommaire et dommages-intérêts pour son congédiement injustifié par son employeur, la défenderesse (Corporation du Canton d’Ignace), suite à l’obtention de son poste en tant que coordinatrice de l’engagement jeunesse. Un contrat à durée déterminée prenant fin le 31 décembre 2024 fut convenu entre les parties le 24 novembre 2022. Cependant, l’employeur a mis fin immédiate sans motif à ce contrat qu’à peine un mois plus tard, soit le 26 janvier 2023.

Modifications apportées

La Cour s’est attardée à l’évaluation de l’applicabilité des clauses de cessation d’emploi retrouvées dans le contrat d’emploi convenu entre les parties, plus particulièrement, les articles 4.01 et 4.02 dudit contrat (voir ci-dessous). La Cour a conclu que ces clauses ne pouvaient trouver application en raison de leurs violations ainsi que leur manque de conformité avec la Loi sur les normes d’emploi (LNE).

 The Township may terminate this Agreement and terminate the Employee’s employment at any time and without notice or pay in lieu of notice for cause. If this Agreement and the Employee’s employment is terminated with cause, no further payments of any nature, including but not limited to, damages are payable to the Employee, except as otherwise specifically provided for herein and the Township’s obligations under this agreement shall cease at that time. For the purposes of this Agreement, “cause” shall include but is not limited to the following:

(i) upon the failure of the Employee to perform the services as hereinbefore specified without written approval of Municipal Council and such failure shall be considered cause and this Agreement and the Employee’s employment terminates immediately;

(ii) in the event of acts of willful negligence or disobedience by the Employee not condoned by the Township or resulting in injury or damages to the Township, such acts shall be considered cause and this Agreement and the Employee’s employment terminates immediately without further notice.

The Township may at its sole discretion and without cause, terminate this Agreement and the Employee’s employment thereunder at any time upon giving to the Employee written notice as follows:

(i) the Township will continue to pay the Employee’s base salary for a period of two (2) weeks per full year of service to a maximum payment of four (4) months or the period required by the Employment Standards Act, 2000 whichever is greater. This payment in lieu of notice will be made from the date of termination, payable in bi-weekly installments on the normal payroll day or on a lump sum basis at the discretion of the Township, subject at all times to the provisions of the Employment Standards Act, 2000.

(ii) with the exception of short-term and long-term disability benefits, the Township will continue the Employee’s employment benefits throughout the notice period in which the Township continues to pay the Employee’s salary. The Township will continue the Employee’s short-term and long-term disability benefits during the period required by the Employment Standards Act, 2000 and will pay all other required accrued benefits or payments required by that Act.

(iii) all payments provided under this paragraph will be subject to all deductions required under the Township’s policies and by-laws.

(iv) any further entitlements to salary continuation terminate immediately upon the death of the Employee.

(v) such payment and benefits contributions will be calculated on the basis of the Employee’s salary and benefits at the time of their termination.”

 

Voici les facteurs qui ont eu un impact sur cette conclusion :

  1. La clause de congédiement « pour motif » exagérait les motifs de congédiement au-delà de ceux énoncés dans la LNE, violant ainsi les normes minimales applicables.

La Cour a confirmé que la LNE, en aucun temps, ne fait référence dans ses règles à un congédiement « pour motif ». Celle-ci a également abordé le terme « conduite » élaboré dans le contrat d’emploi pour indiquer que la clause de congédiement était dotée d’un langage excessif, élargissant ainsi les critères de congédiement sans préavis, contrairement aux critères énoncés dans la LNE.

  1. Le terme « sans motif » n’a pas tenu compte des avantages acquis par la demanderesse, tels, le paiement des congés payés suite à la cessation d’emploi. De plus, l’article 4.02 a fait preuve d'être non conforme en omettant de mentionner les jours de maladie prévus dans ledit contrat, et ce, contrairement aux règlements de la LNE.

La Cour s’est référée à l’article 60 de la LNE qui stipule que le salaire de l’employé ne peut pas être réduit durant le délai de préavis. Durant cette période, l’employé a droit à son « salaire habituel ». De plus, elle s’est référée à l’article 61 de la LNE qui stipule que l’employeur est exigé de payer sous forme de somme forfaitaire, une indemnité de licenciement égale au montant qui aurait été payé si un préavis avait été donné conformément à l’article 60.

La Cour a strictement énoncé que les congés payés font effectivement partie du « salaire habituel » de l’employé, affirmant ainsi que l’article 4.02 du contrat de travail a omis de faire mention de ces congés. Ce même contrat a omis de faire mention des congés de maladie ainsi que des cinq journées de congé payé annuel.

  1. Le terme « sans motif », tout en donnant à son employeur un « pouvoir discrétionnaire exclusif » pour mettre fin à l’emploi de l’employé « à tout moment », n’était pas conforme aux dispositions de la LNE protégeant les employés contre les congédiements abusifs.

La Cour a encore une fois fait référence à la LNE, cette fois à son article 53 qui stipule qu’il est interdit à l’employeur de licencier un employé lors de son retour d’un congé. Il est également stipulé à l’article 74 de cette même loi qu’il est interdit pour un employeur de licencier un employé en représailles de sa tentative d’exercer un droit prévu par la loi. Par conséquent, il a été réitéré que le droit de l’employeur en ce qui concerne le licenciement n’est pas absolu. En effet, il est interdit pour l’employeur de mettre fin à l’emploi d’un employé « à tout moment ».

La Cour a donc conclu que ces clauses de cessation d’emploi étaient effectivement non conformes aux règles applicables à la LNE les rendant ainsi nulles.

En quoi tout cela affecte les contrats d’emploi ?

Les contrats d’emploi sont cruciaux pour établir le rôle des employeurs et des employés lors d’une période d’emploi. Cette décision réitère l’importance de faire preuve de diligence accrue quant à la rédaction et l’interprétation des clauses de cessation insérées dans leurs contrats d’emploi.

Nous conseillons fortement aux employeurs de faire réviser régulièrement leurs contrats de travail afin de s’assurer qu’ils soient conformes aux normes légales et à toute nouvelle jurisprudence.

Jessica Byles-Nolet

Jessica Byles-Nolet

Avocat(e)

Myca Beaulieu

Myca Beaulieu

Étudiant(e) en droit

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