Employé ou travailleur autonome? Découvrez les 6 critères décisifs des tribunaux

Pour certains employeurs, qualifier un travailleur de travailleur autonome semble être un moyen simple de réduire les coûts: éviter les cotisations au Régime de pensions du Canada et à l’assurance-emploi, ne pas verser de congés payés ni d’avantages sociaux, et alléger la gestion de la paie. Toutefois, ces économies sont souvent temporaires, tandis que les risques sont bien réels. Une mauvaise classification peut entraîner des amendes, des poursuites et des réclamations pour arriérés de salaire bien supérieures aux économies réalisées.

Beaucoup d’employeurs croient, à tort, que la signature d’un contrat à titre de travailleur autonome règle la question. Pourtant, ni la loi ni les tribunaux ne s’arrêtent à ce seul critère. Ce qui compte réellement, c’est la nature concrète de la relation entre les parties. Si cette relation évoque un lien d’emploi, un contrat seul ne suffira pas à vous protéger.

Il n’existe pas de règle unique pour déterminer si une personne est employée ou travailleur autonome. Les tribunaux examinent plutôt l’ensemble de la relation pour répondre à une question essentielle : le travailleur gère-t-il sa propre entreprise ou travaille-t-il en réalité pour autrui? Pour cela, ils s’appuient sur six critères principaux.

Critère 1 : Le contrôle exercé sur le travailleur

Le degré de contrôle qu’exerce une entreprise sur un travailleur est l’un des indices les plus révélateurs pour distinguer un employé d’un travailleur autonome. Lorsqu’une entreprise dicte non seulement ce qui doit être fait, mais aussi comment, quand et où le travail doit être exécuté, on se rapproche clairement d’une relation d’emploi. À l’inverse, un travailleur autonome bénéficie généralement d’une grande liberté d’action. Il détermine ses propres méthodes de travail, organise son horaire et choisit les moyens d’atteindre le résultat attendu, tant que les objectifs convenus sont respectés. Ainsi, si un travailleur est étroitement supervisé, qu’il reçoit des directives fréquentes et qu’on encadre ses tâches au quotidien, cela pourrait indiquer qu’il ne s’agit pas d’un véritable travailleur autonome, mais bien d’un employé, peu importe le libellé du contrat.

Critère 2 : La propriété des outils et équipements

Un autre facteur clé pour distinguer un employé d’un travailleur autonome est la propriété des outils, technologies ou équipements nécessaires à l’exécution des tâches. En général, les employés utilisent les outils fournis et financés par l’employeur : ordinateurs, logiciels, machines ou postes de travail. Les travailleurs autonomes, eux, sont généralement propriétaires de leurs outils, qu’ils financent, entretiennent et contrôlent eux-mêmes. Ce critère est révélateur de leur autonomie : la possession et la maîtrise des outils indiquent que la personne exerce une véritable activité indépendante, et non un emploi salarié.

Critère 3 : La possibilité de déléguer ou d’embaucher

Un travailleur autonome peut généralement choisir de déléguer une partie de son mandat ou d’engager d’autres personnes pour l’exécuter. Il décide librement des moyens à mettre en œuvre, y compris la constitution d’une équipe si nécessaire. À l’inverse, l’employé doit généralement accomplir personnellement le travail qui lui est confié, dans les limites fixées par l’organisation. La capacité à déléguer ou à sous-traiter est donc un indice fort d’indépendance.

Critère 4 : Le risque financier

Le statut d’un travailleur se manifeste également par la manière dont il assume le risque financier lié à son activité. Les employés bénéficient en général d’une rémunération stable, indépendamment des résultats de l’entreprise ou de leur propre productivité. En revanche, les travailleurs autonomes prennent en charge les aléas financiers : ils acceptent que le projet puisse durer plus longtemps, coûter plus cher, ou que les paiements soient retardés, voire annulés. Ils investissent souvent dans des fournitures, du matériel ou dans des actions de prospection pour trouver de nouveaux clients. Ce risque financier important est un indicateur fort qu’une personne exploite sa propre entreprise. À l’inverse, les employés ne supportent généralement pas ce type de charges ou de pertes.

Critère 5 : L’investissement et la gestion de l’activité

Il convient également d’évaluer si la personne investit dans ses ressources commerciales et les gère de manière autonome. Les travailleurs autonomes dépensent fréquemment leurs fonds pour acquérir du matériel, louer un espace, ou faire de la publicité. Ils disposent du pouvoir décisionnel pour orienter et développer leur activité. Ils ne vendent pas simplement leur temps : ils dirigent un véritable projet d’affaires. À l’inverse, les employés sont recrutés pour remplir une fonction précise, avec peu ou pas de responsabilités entrepreneuriales ou financières.

Critère 6 : Les possibilités de profit

Enfin, les travailleurs autonomes peuvent accroître leurs revenus en optimisant leur efficacité, en diversifiant leur clientèle ou en négociant des tarifs avantageux. Leur rentabilité dépend de leurs décisions stratégiques. Les employés, eux, peuvent recevoir des primes ou des augmentations, mais ces gains relèvent des politiques internes de l’organisation. Ils ne découlent pas directement de choix commerciaux. La possibilité de générer un profit accru par ses propres moyens est donc un critère important d’indépendance.

Protéger votre entreprise

Aucun critère ne suffit à lui seul pour trancher. C’est l’ensemble des circonstances qui est pris en compte. Les tribunaux et les organismes de réglementation s’intéressent à la réalité concrète de la relation de travail, au-delà du contenu formel du contrat. Ces six critères offrent aux entreprises un cadre pour mieux évaluer le statut de leurs travailleurs et limiter les risques juridiques.

Si vous avez des doutes concernant la classification de vos travailleurs ou souhaitez obtenir de l’aide pour revoir vos contrats et pratiques, n’hésitez pas à nous contacter.